Décidée pendant la mandature de Pierre Albertini (2001/2008), la ville de Rouen a connu la construction du quartier de la Luciline à la fin de son mandat et au cours de celui de Valérie Fourneyron courant 2008. La nouvelle majorité politique a donc assumé les choix de l’ancienne bien qu’ayant sans cesse critiqué le projet à l’époque de sa posture d’opposant. Cependant a-t-elle pour autant corrigé les problématiques mises en avant à cette époque par Yvon Robert et Guillaume Grima ?
S’il y a bien deux élus qui se sont engagés dans la critique de la création du quartier rouennais de la Luciline, ce sont Yvon Robert pour le parti socialiste et Guillaume Grima pour les Verts. C’était le temps de l’opposition et de la maîtrise des dossiers par des personnalités locales dont on connaît l’engagement et le sérieux. Au moment de leur démonstration technique, les doutes sur la qualité environnementale de ce qui était considéré comme « écoquartier » étaient solides et sans conteste.
Après le changement de majorité, on aurait pu imaginer que des ajustements auraient été apportés en tenant compte des analyses des deux protagonistes devenus adjoints de la nouvelle maire « Valérie Fourneyron ». Après la création de la tour Vauban en 2009, il a fallu s’attaquer au reste. Plein pouvoir était donné à la gauche rouennaise bien colorée écologiquement pour mener à bien ce projet et lui donner un sens environnemental. hé ben NON !
Déjà le nom !
Luciline ! Oui, c’est une référence historique que l’on peut retrouver ici. Mais qu’en penser ? Un écoquartier mis en place par une gauche à sensibilité environnementale conservant le nom d’une raffinerie sous prétexte qu’il s’agissait d’une référence au passé industriel local, c’était déjà glauque ! « À l’époque, on n’a pas voulu changer le nom du quartier dans la mesure où il était déjà connu et accepté par une partie des Rouennais » me confie un des « tauliers » politiques de l’époque souhaitant garder l’anonymat. Et ajoutant : « En plus, Valérie étant de famille d’industriels locaux (famille Absire), le nom ne la dérangeait pas, bien au contraire ».
Si l’argument peut se comprendre, cela met à l’eau définitivement l’idée de donner à ce projet une nouvelle éthique environnementale comme le souhaitaient nos deux opposants cités au début de cet article. Après ce rendez-vous manqué, on s’est rapidement aperçu que les constructions étaient irréfléchies et anarchiques. « Irréfléchies » dans la mesure où l’on peut constater la dichotomie entre les immeubles qui prouve l’absence de cohérence architecturale. Voulue ? Peut-être ! Toujours est-il que ce choix n’a jamais fait l’objet d’un argumentaire sérieux dans les documents de communication au grand public.
« Anarchiques » au point de constater la position de certaines constructions en totale opposition avec la logique de l’ensoleillement naturel. Bref, une grosse erreur qu’aurait pu corriger la gauche à partir de 2008 puisque rien n’était encore signé. « Apparemment, on n’a pas trop suivi le dossier sérieusement » m’explique l’ ancien taulier politique de l’époque. « Nous avions tellement de choses à faire que nous avons juste changé des choses sans incidence positive pour l’environnement et c’est plutôt regrettable. »
Rappelons qu’à l’époque, la mairie était menacée de tutelle d’État suite à la situation financière catastrophique laissée par la mandature Albertini. D’ailleurs, Bruno Devaux et Catherine Morin-Desailly, adjoints à l’époque, ont la responsabilité de ce désastre financier et ne se sont jamais exprimés par la suite sur le dossier de la Luciline, connaissant leur grande part de maladresse politique et leur approximation ! Quand on pense qu’ils sont aujourd’hui soutiens de la candidate Marine Caron, on peut craindre le pire en cas de victoire d’icelle. Au final, le projet bancal restera bancal. On peut chercher toutes les raisons à ce fiasco environnemental, cela ne justifie pas que les erreurs fussent portées par les habitants de ce quartier.
Des habitants endettés par les factures énergétiques !
Le quartier se construit et les premiers habitants, locataires et propriétaires, s’installent dans un environnement plus que favorable sur le papier ! Tout est à proximité : centre commercial, le Kindarena, les lignes TEOR permettant de rejoindre le centre-ville – droit en à peine 5 minutes. Tout est neuf et sous l’appellation « Écoquartier ». Après tout, on peut faire confiance car nous sommes en pleine époque des normes et du renouveau immobilier. Plus de 1000 habitants s’installent progressivement dans la zone. Quelques temps après, c’est la douche froide. Certains locataires et propriétaires se retrouvent noyés dans des factures d’énergie inouïes ! Le niveau de ces coûts laisse penser à une défaillance dans la mise en place du réseau de chaleur de ce quartier. Du coup, se crée un collectif d’habitants décidés à se battre pour comprendre et ne pas se laisser faire. En plus de 10 ans, sous l’impulsion de Pierre Emmanuel Brunet et de ses soutiens, le collectif d’habitants va se battre bec et ongles pour obtenir réparation.
Non seulement ils réussiront à prouver que des erreurs dans la construction du réseau de chaleur furent réelles, mais les protagonistes se rendront compte également de l’opacité des services administratifs de la Métropole ainsi que de la mairie rouennaise. Il fut très difficile d’obtenir des données techniques pour étayer leurs accusations. Ce fut chose faite après un travail acharné du collectif proche du harcèlement tant la volonté de ne pas communiquer les informations était importante de la part des exécutants. Cela devait certainement être dû à un mot d’ordre politique. D’ailleurs, monsieur Brunet recevra en « off » (genre/style : « je te le dis, mais ne le répète pas »), la confirmation de cette omerta politique générée par les anciens opposants au projet, rappelez vous (voir en haut de l’article).
Un quartier gênant
À droite comme à gauche, le dossier de la Luciline est une gêne. Les raisons sont différentes mais l’embarras est fort. Il faut féliciter et surtout remercier le collectif d’habitants mené par notamment monsieur Brunet qui s’est battu pour avoir gain de cause jusqu’à obtenir un engagement de remboursement sur les factures d’énergie. Seulement pour certains habitants de ce quartier, le mal est fait depuis longtemps. Ils furent nombreux à se retrouver sans rien jusqu’à être obligés de quitter cet endroit pourtant source d’espoir pour de nouveaux projets.
Écoquartier ? Peut-être ! Éco cauchemar certainement et pour beaucoup. La honte surtout à celles et ceux qui n’ont pas su, au moment de prendre des responsabilités politiques, rectifier des erreurs environnementales évidentes puisque mises en avant en 2007 par ceux qui géreront plus tard ce projet. Aujourd’hui, rien n’est terminé (voir le suivi ici). En effet, les victimes de cette honte immobilière attendent pour beaucoup encore les indemnisations. Par contre, qu’ils n’attendent aucune excuse de la part des protagonistes à ce carnage politique. Après tout, l’opération immobilière s’est, elle, très bien passée. Pour certains décideurs, les habitants et leurs problèmes ne sont que de minuscules problèmes. C’est en tous les cas l’impression que cela donne dans une société où le profit et le pouvoir restent les motivations premières pour les décideurs.
Frédéric Quillet


Répondre à Journal Espoir Annuler la réponse